Courrier de Vélomotive à Madame le Commissaire-enquêteur dans le cadre de l’enquête publique
Vannes le 19 juin 2009
Objet : projet de tunnel routier de Kérino à Vannes.
« Fondée par et pour les usagers des transports en général et de la bicyclette en particulier, l’association Vélomotive a vocation à être un interlocuteur local et régional. Elle a pour objet de promouvoir sous toutes ses formes l’utilisation de la bicyclette comme moyen de déplacement à part entière, y compris en combinaison avec d’autres modes de transport ». Son siège est à Vannes et son périmètre d’action est la Communauté d’agglomération du Pays de Vannes.
A l’échelle nationale, le parlement vient de voter ce 17 juin 2009 la loi programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. Le chapitre III est consacré aux transports. L’article 9 fixe un objectif de réduction de 20 % en 2020 des émissions de CO2, définit les principes d’une politique durable des transports et précise qu’une priorité moindre sera dorénavant accordée au transport par la route, tant pour les transports de personnes que pour les transports de marchandises. L’article 12 traite des transports urbains et périurbains et propose des mesures destinées d’une part à améliorer les performances environnementales et énergétiques des automobiles, d’autre part à accélérer le renforcement des transports collectifs urbains.
A l’échelon local, la Communauté d’Agglomération a entrepris une démarche pour organiser les déplacements à grande échelle avec l’élaboration d’un Plan de Déplacements Urbains (PDU) qui doit définir les principes de l’organisation des transports de personnes et de marchandises, de la circulation et du stationnement, dans le Périmètre des Transports Urbains (PTU), soit les 24 communes de la Communauté d’Agglomération du Pays de Vannes. Il a pour objectif un usage coordonné de tous les modes de déplacements et la promotion de modes moins polluants et moins consommateurs d’énergie. Il agit de ce fait, dans des domaines aussi divers que la réduction du trafic automobile, le développement des Transports Collectifs, le stationnement, le développement de l’usage du vélo…
Compte-tenu de cette actualité qui n’est pas mentionnée dans le dossier de l’enquête publique, il apparaît utile de s’interroger sur la pertinence du projet de tunnel de Kérino. En effet, le projet repose sur un schéma d’orientation élaboré par la ville de Vannes en 2003. Il est rapporté, dans le dossier d’enquête publique que ce schéma indique qu’il s’agit de « mieux organiser le plan de circulation et d’assurer une meilleure fluidité du trafic urbain ». Ce serait pour parvenir à cet objectif qu’il est envisagé d’achever le contou ement du centre-ville avec un nouveau franchissement au sud. Cette orientation nous apparaît contraire à l’esprit des deux actions fondamentales prises par le gouve ement et par la CAPV et qui toutes deux visent à diminuer l’usage de la voiture individuelle. Si cet ouvrage est réalisé, la nouvelle infrastructure risque d’inciter encore davantage à l’usage de la voiture individuelle grâce à cette fluidification indiquée. Il s’agit là d’un phénomène dûment constaté en maintes occasions par les responsables et gestionnaires de voiries. La conséquence prévisible de cet afflux supplémentaire de véhicules aux abords immédiats du centre sera de contribuer à sa saturation et d’y réduire un peu plus l’accessibilité de l’espace public aux autres catégories d’usagers que sont les piétons, les personnes à mobilités réduites et les cyclistes. L’enjeu de réduction des gaz à effet de serre et de la pollution urbaine est donc fortement compromis. Le budget consacré à cette opération nous apparaît donc comme pouvant être réorienté vers le développement des modes alte atifs, marche à pied et vélos et celui des transports collectifs en réalisant des infrastructures performantes : parking-relais aux entrées de ville, sites propres et couloirs de bus, zones de rencontre et zones trente promulguées par le décret du 30 juillet 2008, itinéraires cyclables confortables et sécurisés, double sens cyclables et mise en œuvre rapide du schéma d’accessibilité pour le personnes à mobilité réduite.
Conce ant l’aspect technique de l’ouvrage, plusieurs remarques nous semblent nécessaires :
- Le profil en long et les dimensions de l’ouvrage :
- longueur de la section couverte : 252 m constamment incliné, ce qui ne permettra vraisemblablement pas de voir l’extrémité du tunnel, augmentant l’effet d’insécurité pour les piétons et les cyclistes, sans parler des personnes à mobilité réduite.
- La largeur des voies « mode doux », piste cyclable et trottoir : compte-tenu des pentes et surtout de la longueur (plutôt rare) pour les circulations douces, la largeur de 2.50m pour la piste cyclable nous paraît insuffisante. Nous nous référons en la matière au guide de recommandations pour les aménagements cyclables édité par le CERTU. Celui-ci préconise, particulièrement si une visibilité des extrémités est inexistante de porter la largeur à 3m50 et le dégagement vertical à 2m75 au lieu des 2m50 de ce projet. Le fait que cette piste bidirectionnelle comportera deux bas de pentes à pratiquement mi-ouvrage nous conforte dans cette demande d’élargissement pour éviter tout accident, en particulier vis à vis d’utilisateurs « famille » qui ont vocation à se trouver nombreux dans ce site avec de jeunes enfants.
- La réinsertion de la piste cyclable côté sud (côté mer) sur toute la longueur de l’ouvrage et côté nord (côté ville) de l’actuelle avenue de Kerviller semble énigmatique dans les éléments figurant au dossier. Apparemment elle serait amené à franchir à niveau l’avenue en question en fin du nouvel ouvrage, à l’est, c’est à dire en plein milieu d’un tronçon de voirie où les véhicules à moteur seront à vitesse élevée. Avec une prévision de 20000 véhicules/jour sur cette voie, cette perspective présente un aspect accidentogène très marqué.
- L’éclairage de la partie enterrée : il y a peu de précisions sur sa conception, il importe qu’en situation diu e, celui-ci soit gradué et permette d’éviter l’éblouissement des cyclistes qui, systématiquement en descente dans les deux sens, risquent d’y pénétrer à relativement vive allure.
- Le principe d’une ventilation naturelle nous apparaît convenir à une circulation automobile où les automobilistes passent un temps très court dans l’ouvrage, en revanche elle semble dissuasive pour ne pas dire rédhibitoire pour les piétons et les cyclistes qui devront trouver leur qualité de l’air ailleurs.
Enfin, plus globalement, l’impact paysager et environnemental du projet présente une forte contrainte pour le site actuel avec un risque de coupure en partie Est où l’emprise fera plus de trente mètres, isolant ainsi la butte de Kérino du reste des espaces naturels littoraux, ceci dans un site inscrit au titre de la loi de 1930 et en partie répertorié en ENS par le département du Morbihan et en Espace Boisé Classé au PLU de Vannes. Il s’agit d’un endroit très fréquenté par le public et le point de rencontre emblématique de la cité portuaire avec son espace maritime.
James Boucher Président